Etre Chroniqueur, c'est à la mode. Chaque émission de Radio, de Télé a ses chroniqueurs qui viennent nous parler de leur spécialité. Mais dès qu'il s'agit de parler musique, aïe, ça se gâte.
Quand il faut parler d'un groupe New-Yorkais inconnu pour faire les malins sur canal+, y'a du monde, dès qu'il faut s'attaquer à la musique dite "populaire", là c'est fini, c'est le néant.
Quand quelqu'un décide d'aller parler dans une émission économique, il se dit rarement : "tiens j'adore porter une cravate, je lis mon relevé de compte tous les mois, et en plus je suis fort en calcul mental, allez, je vais aller parler d'économie". Non, ça n'arrive pas, on prend généralement des types sérieux, professionnels et qui s'y connaissent.
Pour la musique, j'ai l'impression que c'est encore le domaine où règne un délicieux parfum "d'a peu près", et un zeste de "ouais ça va , je vais lire wikipedia et c'est bon je l'aurai ma chronique sur Metallica". Je ne généralise pas, mais aujourd'hui face à la profusion d'informations sur les blogs et sur les sites des groupes, je me pose 2 questions :
1. Comment peut on encore raconter des conneries en parlant d'un groupe à la télé ?
2. Pourquoi décrédibiliser son discours et l'émission dans laquelle on parle, tout en se foutant de la gueule des fans de l'artiste ?
Dernier exemple en date, Depeche Mode. Le groupe vient de sortir un album, "Sounds of the Universe" est donc en pleine actualité, et pour la presse française qui a du changer son fusil d'épaule depuis que DM est devenu respectable il y a quelques années, c'est dur. Enfin, pour quelqu'un qui s'intéresse un peu à la musique ça ne devrait pas être compliqué.
Nous sommes Vendredi 27 mars, vers 20:30, Tania Bruna Rosso vient au Grand Journal sur Canal+ faire sa chronique musique. Apres avoir raconté à peu près n'importe quoi une semaine avant sur une autre artiste, blonde, avec une frange, la voila qui se lance sur Depeche Mode. A ce moment là, je ne sais pas encore si je dois envoyer des armes de destruction massive directement sur le plateau de l'émission, ou aller chez elle pour dessiner des pentacles sur sa porte, tout en clouant son chat éventré au dessus de son lit.
Extraits :
Tania :"...on adore les boucles blondes de Martin Gore, et les claviers de Andrew Fletcher..."
Ah ? première nouvelle, n'importe quel fan du groupe saura que Fletcher fait peut être beaucoup de chose dans Depeche Mode mais certainement pas grand chose avec un clavier. Peut être confond-elle avec Alan Wilder, mais il n'est plus dans le groupe. Mais bon, passons, c'est un truc de fan, et la chroniqueuse voulait surement faire une présentation facile et raccourcie...nulle, mais raccourcie.
Tania "...Enjoy the silence, tube des années 80..."
Ah ? je croyais que l'album violator etait sorti en 1990. Si il y a bien 1 titre qui marque l'entrée de Depeche Mode dans les 90s c'est bien enjoy the silence, et sans être un érudit du groupe il suffit d'aller sur le site officiel et de voir la
date. Mais bon, c'est mieux de dire Depeche mode = les années 80, c'est la New Wave, c'est plus simple a retenir pour le gens, c'est plus cool, les gens comprennent mieux, on va pas les embrouiller sur les dates. On s'en fout.
Tania " ...on va regarder le clip de enjoy the silence"
Ah ? en fait, là on regarde le remix
Linkin Park. A quoi ça sert que le clip original d'
enjoy the silence réalisé par Anton Corbjin soit un des plus emblématique du groupe, pour nous montrer un remix de Linkin Park. Le seul extrait qu'on nous montrera, ne sera même pas le son du groupe.
Bref, c'est de l'approximatif. Peut être faut-il être fan du groupe pour le savoir, seulement, pour le reste de la population, ce n'est pas de l'information. Même dans le sport, on ne vous dit pas que tel joueur est polonais, si il est suedois, ou que le score de tel match etait à peu près 2:0 ou bien 2:1. En musique, ce n'est pas grave.
Continuons sur Depeche Mode. nous sommes lundi 27 avril, vers 13:30, Ariel Wizman vient dans L'Edition Spéciale faire sa chronique musique. Après avoir raconté à peu près n'importe quoi quelques semaines avant, sur un groupe de 4 musiciens venus de San Francisco et leur album Death magnetic, le voila qu'il se lance sur Depeche Mode. A ce moment là, je sais qu'il va vraiment falloir clouer des chats éventrés au dessus des lits des chroniqueurs musicaux :
"Depeche Mode sont des musiciens qui jouent encore du clavier avec 1 doigt"
je pense qu'il parle sans doute de Partenaires Particuliers, mais ce n'est pas grave, un bon mot un peu drôle est sans doute plus intéressant que de parler de la qualité de compositeur de Martin Gore. Peut être qu'en 1981 l'arrangement etait tres simple, surtout pour des types qui n'avaient même pas 20ans, mais depuis la musique du groupe à largement, très largement évolué.
" ...ils jouaient avec des mauvais synthétiseurs japonais cheap.."
Ah ? il suffit de voir les nombreuses videos sur les enregistrements des albums pour voir à quel point DM s'est toujours attaché a créer ses propres sons, à utiliser les formes primitives du sampling et à rechercher des univers musicaux personnels, ce qui explique en partie leur longévité, alors que tous les groupes des 80s sont quasiment morts.
Non, mais ce n'est pas la peine, Ariel Wizman préfère joindre le geste à la parole et mimer un mongolien jouant du synthé avec un doigt pendant que l'extrait du dernier album passe. Puis arrive la facilité du DM "c'est triste, c'est lugubre, la cold wave et tout ça, et les Cure, et machins...." Bref, un bon pot pourri, deux ou trois lieux communs et hop, la chronique est faite. On est décidément plus du tout en 1981, mais personne n'a prévenu Ariel Wizman.
Il suffit de regarder par exemple cet video d'Alan Wilder au milieu des années 80.Je ne dis pas qu'il faut montrer ça à la télé, ce serait rébarbatif, mais il suffit de regarder les 30 dernieres secondes de la video (2:35), pour se rendre compte que ça fait longtemps qu'ils ont trouvé leurs 9 autres doigts et que même sans ordinateurs perfectionnés, DM allait aussi loin que certains artistes electro qu'on adule aujourd'hui. Donc les reduire à des mongoliens jouant à 1 doigt, c'est un peu idiot, il y a peut être d'autres choses à raconter. Ce serait comme dire que Zidane n'a jamais réussi à mettre un but depuis qu'il a 12ans.
Alors que des dizaines d' artistes se réfèrent à Dm, que de Smashing Pumpkins à la légende Johnny Cash on reprend des titres du groupe, qu'il a rempli des stades, qu'il en remplira encore, etc etc..on en est encore là.
Bref, passons sur Depeche Mode, c'était l'exemple du moment, tout comme la semaine dernière, à la radio, quand une animatrice vient nous parler de Marilyn Manson. Bon honnêtement, Manson, je ne suis pas son plus grand fan au monde, mais m'intéressant à la musique, je connais un peu, et je sais surtout que les fans de ce genre d'artiste sont au courant de tout et que lorsqu'on s'y attaque, c'est préférable de savoir ce qu'on va dire. Et bien là,raté :
" Alors revoila Manson, qui signe son grand retour avec son ancien guitariste Twiggy Ramirez, qui s'était fait viré il y a quelques années..."
Ah ? première nouvelle, je croyais que Twiggy Ramirez était le bassiste et qu'il était parti rejoindre A Perfect Circle puis NIN de son plein gré, avant de revenir dans le groupe. Je pense que l'animatrice a du confondre avec Johnny 5, le guitariste viré par Manson en 2004. Ouais c'est pas grave, on va dire que c'est pareil, de toutes façons "personne ne connait", hein ?
Voila, ce ne sont que deux exemples parmi toutes les conneries racontées par les chroniqueurs musicaux en radio et en télé. Je crois qu'il n'y a aucun autre domaine dans l'information, sportive, culturelle ou politique ou l'on prend les choses avec aussi peu de sérieux et de vérité. Je ne sais pas tout en musique, loin de là, mais ce n'est pas mon métier d'aller la raconter dans les médias, eux, ils sont payés pour ça, pour donner des informations et ouvrir les gens sur la culture musicale. je suis sur qu'ils sont très bons dans certains domaines, mais là, ils montrent assez souvent leurs limites (et je passerai sur Pierre Mathieu tout juste payé à lire les communiqués de presse des maisons de disque sur M6).
Si demain, le type qui présente la bourse se trompe, ou le journaliste sportif donne un mauvais résultat, on lui tombera dessus, pourtant ni la bourse, ni le sport n'intéressent tout le monde. Donc, en ce qui concerne la musique, ce n'est pas parce qu'on va froisser une simple poignée de fans, qu'il faut se permettre de raconter n'importe quoi à ceux qui ne connaissent pas.