Quel est le point commun entre le sticker "Parental Advisory", le titre "Mother " de Danzig, Al Gore,l'ancien vice président des Etats Unis et Prince ? Et bien c'est Tipper Gore, la femme de ce bon vieux Al.
C'est elle à qui on doit ce sticker qu'on a tous chez nous, au moins sur 1 pochette de disque (à moins de n'avoir que des CD d'Hélène Seguera). C'est elle qui est la source d'inspiration du classique titre de Danzig, et c'est Prince qui donna envie à cette femme de coller "Parental Advisory" partout et de se lancer dans une bataille contre la musique "explicite".
Nous sommes en 1984 et Tipper Gore ( à droite) s'ennuie ferme avec ses amies de Washington : Susan Baker, Pam Howar, et Sally Nevius. Les maris sont sénateurs, secrétaires au trésor, présidents du conseil de Washington, brefs, politiciens ou entrepreneurs occupés.
En 1984, Prince a gagné un Grammy Awards avec la B.O du film Purple Rain, c'est le type qu'il faut écouter, et pour faire plaisir à sa fille Karenna, Tipper achète le fameux disque. Et là, comme on le dit sur M6, "c'est le drame" : quand arrive le titre "Darling Nikki", mère et fille entendent parler de "masturbation dans un hall d'hôtel avec un magazine". Comment peut-on laisser des enfants tomber sur de telles horreurs ?
Du coup Tipper se met a regarder MTV, et là c'est pire, on y voit Van Halen de moquer de l'école dans "hot for teacher", Twisted Sister qui incite les teenagers à se rebeller contre la famille dans "We're not gonna take it", des femmes à moitié nues en cage et des references sataniques dans le "Looks that kill" de Motley Crüe, Tipper a peur : "The images frightened my children, they frightened me! I am frightened! Way frightened! The graphic sex and the violence were too much for us to handle"
Susan Baker, quand à elle prend peur quand elle entend sa fille de 7ans chanter un titre de Madonna, c'est insupportable, cette chanteuse qui s'amuse du sexe donne une très mauvais image de la femme. Ces anecdotes sont véridiques.
Pour Tipper et Susan, cette violence, ces références à l'occulte, ce sexisme, cette dépravation dans la musique, c'est trop, Il faut réagir.
Elles appellent donc leur amies, les "Washington Wives" comme elles se surnomment, et forment le PMRC pour "Parents Music Resource Center" qui va devenir un formidable lobby de censure.
Pour le PMRC, le rock influence la violence urbaine, le viol, le suicide des jeunes, incite au meurtre, au sadomasochisme, dégrade l'image de la femme, fait l'apologie des substances illicites et il est responsable de la dégradation des relations dans la famille (elles s'appuient sur les textes de trois titres en particulier : Ozzy Osbourne "Suicide Solutions," Blue Oyster Cult "Don't Fear The Reaper," et AC/DC "Shoot To Thrill,".
20 femmes de politiciens et d'hommes de pouvoir signent en 1985 une lettre adressée à la Recording Industry Association of America(RIAA) qui représente la majorité des maisons de disques. Cette lettre demande une instauration d'un système de signalisation sur les disques en fonction de leur contenu, de tenir les pochettes explicites hors de vue des plus jeunes et l'obligation d'imprimer les paroles.
L'objectif de tout ça, c'est "de ne plus se faire avoir avant d'acheter un disque et d'être prévenu du contenu". Tout en demandant aux réseaux de radios et de télés de ne pas passer de morceaux explicites, le PMRC se cache derriere une simple "suggestion" et assure que les labels seront "volontaires", que cela ne sera pas imposé. Mais à l'aube ou les supports enregistrables vont arriver sur le marché (minidisk, Dat), la RIAA a fortement besoin de faire passer une loi pour taxer ces supports car elle a peur de perdre énormément d'argent avec la copie privé, et comme par hasard plusieurs maris des "Washington Wives" du PMRC siègent a cette commission qui doit statuer sur la copie privé.
Donc ce sera donnant/donnant, ça ne ressemblera pas à une obligation de le faire, mais la RIAA n'ira pas contre son intérêt.
PMRC, artistes (Frank Zappa, Dee Snider de Twisted Sister), Psychologues, MTV, et Politiciens iront s'expliquer devant la Commission du Commerce, des Sciences et des Transports des Etats Unis (ou siège Al Gore..comme par hasard) pour débattre du projet.
Toute la retranscription écrite des débats est disponible sur le net, ce document est INCROYABLE, on y voit des Sénateurs lire des Paroles de groupes de Heavy, débattre des Clips de Motley Crue, de la pochette de W.A.S.P "fuck like a beast", de Wendy O williams, de Def Leppard...bref, un dossier à consulter absolument.
Il est d'autant plus incroyable quand on pense à Valérie Letard, secrétaire d'Etat à la solidarité, qui après le morceau d'Orelsan, demande aujourd'hui des sanctions pénales pour les morceaux sexistes. Elle devrait lire ce document et se rendre compte dans quel voie ridicule elle se lance et que l'idée, bien que pas très nouvelle, de mêler politique et artistique est un peu moisie.
Il est d'autant plus incroyable quand on pense à Valérie Letard, secrétaire d'Etat à la solidarité, qui après le morceau d'Orelsan, demande aujourd'hui des sanctions pénales pour les morceaux sexistes. Elle devrait lire ce document et se rendre compte dans quel voie ridicule elle se lance et que l'idée, bien que pas très nouvelle, de mêler politique et artistique est un peu moisie.
Bref, revenons en 1985, le PMRC sort vainqueur, le sticker "Parental Advisory" voir le jour et le rock se trouve un ennemi. Un nombre impressionnant de groupes se mettent à parler de Tipper Gore dans ses textes, on se moque du sticker, on montre le PMRC comme Big Brother. Bref, le rock trouve un vrai os à ronger : Sonic Youth, Megadeth, Ice-T, Anthrax, Dead Kennedys, Aerosmith, Suicidal Tendecies, Nofx,Fishbone et même plus tard Eminem...tout le monde fera son titre sur le PMRC, se plaçant directement comme rebelle du système... pratique, parfois même jusqu'au ridicule, comme le clip de Quiet Riot "the wild and the young" qui ne faisait peur à pas grand monde.
Parmi les moqueries célèbre on retiendra l'autocollant que Metallica avait apposé sur la pochette de "Master of Puppets" :
"THE ONLY TRACK YOU PROBABLY WON'T WANT TO PLAY IS "DAMAGE, INC." DUE TO THE MULTIPLE USE OF THE INFAMOUS "F" WORD. OTHERWISE, THERE AREN'T ANY "SHITS," "FUCKS," "PISSES," "CUNTS," "MOTHERFUCKERS," OR "COCKSUCKERS" ANYWHERE ON THIS RECORD"
A noter pour l'anecdote que le PMRC établira à ses débuts la liste ultime des 15 titres les plus malsains du moment en 1985, appelé "Filthy Fifteen". Quand on écoute certains de ces titres aujourd'hui, on se rend compte du coté inoffensif des titres et surtout à quel point tout cela a évolué :
Finalement les disques comportant le sticker "Parental Advisory Explicit Lyrics" deviennent un must, forcément : c'est "dangereux" pour la jeunesse, donc les kids et les fans de rock se ruent dessus. Même si certains magasins (type Wall Mart) boycottent au départ les disques avec l'autocollant, le coté subversif de la chose renforce le sentiment de défier l'ordre établi en achetant ces disques, et tout le monde y trouve son compte. Cet autocollant dans les années 90 devient un argument de vente, pour authentifier le contenu "rebelle" d'un disque. Certaines pochettes explicites finiront aussi sous carton noir, ayant le même effet de rendre l'objet encore plus attractif (de Poison à Cannibal Corpse).
Tout ça parait bien loin et d'un presque d'un autre temps, et on se rend compte qu'avec internet, c'est de nouveau entre les mains des auditeurs que se trouve le choix d'écouter un groupe ou pas et qu'on est bien loin d'une simple fille en bikini dans un clip. Tout le monde a sa place sur le net, du plus extreme au plus soft et rien ne semble aujourd'hui pouvoir empêcher ça.
C'est à chacun de s'éduquer, de faire passer les messages, d'apprendre à avoir du recul sur les choses et sur ce que les artistes proposent. C'est comme ça, la société nous offre tous les jours ses bons et ses mauvais coté, il faut apprendre à composer avec et à s'auto-réguler. Ca passe par la culture et l'éducation, on ne va pas demander à une loi de nous enfermer chez nous, avec un tuyau pour se nourrir, pour ne pas avoir à affronter ce qui se passe dehors.
On l'a vu récemment avec Orelsan et la polémique autrou de son clip "Sale Pute" : c'est grave que le public ne soit pas vraiment capable de voir que la plupart du temps les artistes jouent un rôle dans leurs clips. C'est peut être maladroit ou cru mais, dans le cas d'Orelsan il nous renvoie une image de la société, un moment dans la vie de quelqu'un qui pète les plombs, un type lambda qui existe sûrement à coté de chez vous. Avec un minimum d'éducation chacun peut le comprendre, et pour les plus jeunes, on peut leur expliquer. Il ne faut pas tomber dans l'extrême. Ségolène Royal dans les années 90 voulait nous supprimer les mangas violents en nous prenant pour des idiots, incapables de comprendre la différence entre réalité et dessin animé, c'était déjà ridicule. Les violeurs enregistrent rarement des albums, et les fous n'ont pas toujours besoin de musique pour être fous. L'art imite la vie, plus que la vie imite l'art.
Tipper Gore en 1984 n'avait certainement pas vu le film Purple Rain, elle ne savait pas que "Little Nikki" était directement en relation avec une scène du film et ne racontait pas la vie de Prince, et si elle avait pris le temps de se cultiver, elle aurait peut être vu que ce n'était pas forcément pour sa fille et lui aurait acheté autre chose. Personne ne lui imposait ce disque. Il y a d'ailleurs une très bonne scène tiré de cette fameuse audition de Dee Snider (Twisted Sister) se moquant de l'interprétation de ses paroles par Tipper Gore :
En 1965, les Rolling Stones n'avaient pas le droit de chanter "let's spend the night together" à la télé, on ne filmait pas Elvis en dessous de la ceinture en 56, chaque époque ses moeurs. Aujourd'hui avec internet il est d'autant plus difficile de contrôler, donc c'est à nous de faire travailler notre cerveau et de se cultiver, car on peut taper sur Orelsan, mais il est aussi simple en quelques clicks d'aller voir de la pédophilie, de la pornographie extrême, qu'un clip mal foutu sur dailymotion.
Mais avec le gouvernement actuel, on commence à connaître la chanson, n'est-ce pas ? : ce sont les cagoules qui rendent la société violente, et pas la société qui donne envie de mettre des cagoules. Donc que Valérie Létard, La secrétaire d'Etat à la solidarité, ne nous gonfle pas à demander des sanctions pénales contre la musique parce qu'elle a un problème avec l'expression artistique et l'éducation. Une loi pour rendre les artistes polis et bien propre n'empêchera l'abrutissement de certaines personnes.
6 commentaires:
Pour une fois que Caen à un rapeur qui perce faut qu'on le descende :(
Juste un grand merci !
Le rapport avec l'article ? Y en a pas ! Mais faut bien féliciter l'auteur de ce blog qui est vraiment ... waw ! (Le blog ...je connais pas l'auteur !^^)
En bref, je le conseille à tout le monde, on apprend pas mal de choses (ça permet de "briller" en société) et puis c'est bien écrit (ce qui est rare)!
Je finirai par un simple BRAVO alors, et continue comme ça stp !
Excellent, rien à rajouter.
Génial. Je lis ce blog depuis début avril. Et chaque fois que j'y reviens, une news sympa, documentée, intéressante. Raconté par un mec qui ne se la raconte pas. Ca fait du bien.
Pour quelqu'un qui crucifie les chroniqueurs musicaux de par l'inexactitude de leur propos, il serait de rigueur de parler d'Ozzy Osbourne et non d'Ozzie Osbourne, à moins qu'il s'agit de son sosie pakistanais.
Merci beaucoup :)
Laura
que celui qui n'a jamais fait une faute de frappe dans la frénésie de l'écriture me jette la pierre
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